mercredi, décembre 16, 2009

L'Islam en Europe : contribution personnelle

L’Islam en Europe : contribution personnelle

Par Zakaria BEN MLOUKA

Historique

Depuis un demi-siècle environ, l’Europe a commencé, lentement mais sûrement, à vivre la naissance de l’Islam sur ses terres. L’Europe est une terre chrétienne sans doute, mais c’est surtout le continent le plus accueillant, le plus hospitalier et le plus tolérant de la planète. Dés le lendemain de la deuxième guerre mondiale, l’Europe a connu plusieurs flux migratoires. Les premiers et ceux qui intéressent notre sujet, sont ceux des musulmans des anciennes colonies des pays européens. Ces nouveaux arrivants étaient respectés à l’époque parce qu’ils avaient participé à plusieurs campagnes de la deuxième guerre mondiale aux cotés des pays européens face à l’Allemagne. Ils étaient notamment aux avant postes pour la libération de La France où ils ont payé le plus lourd tribu. Ils étaient désirés par la suite, parce qu’ils participaient à la reconstruction de l’Europe de l’après guerre. A partir des années 1970, les richesses ont changé de continent, et des raisons économiques surtout, politiques parfois, ont obligé les ressortissants des pays musulmans à un exode vers l’Europe (Maghreb, Afique noire, Pakistan, Afghanistan, Turquie, Balkans etc.). Même si ces migrants constituent aujourd’hui une communauté indivisible et indissociable de la population des pays dans lesquels ils vivent, parce qu’ils sont citoyens européens, ils ont été néanmoins maintenu à l’écart de la vie sociale, politique, économique et culturelle. La volonté d’intégration des uns n’a pas été à la mesure de la volonté d’acceptation des autres. A titre d’exemple en France, les musulmans ont un taux d’échec scolaire quatre fois supérieur au taux national, un taux de chômage trois fois supérieur et ils sont totalement absent de la vie politique du pays (à l’exception de quelques nominations « politiciennes » ici et là, savamment médiatisées).

La fracture sociale

La méconnaissance de l’Islam, l’actualité politique internationale et un contexte économique difficile dans certains pays en ce début de 21ème siècle ont eu raison de l’Europe multiculturelle et multiconfessionnelle. Cette incompréhension initiale a vite laissé la place au rejet de l’étranger et dans la confusion, au rejet du concitoyen d’origine étrangère. Une dérive s’est opérée progressivement, assimilant les musulmans européens aux étrangers voire même à des envahisseurs et les accusant de tous les maux : L’amalgame entre Islam et terrorisme a vite fait son apparition, l’insécurité et le chômage ont été liés à leur présence sur le sol européen. Un fossé s’est creusé entre les populations et le communautarisme a fait naturellement son apparition. A défaut de dialogue et donc de solution, les pays européens ont commencé, les uns après les autres, à opérer un repli identitaire depuis les années 1990. Cette crispation des sociétés européennes a abouti à une fracture sociale grave entre citoyens européens jetant dans la ghettoïsation et la précarité une très grande majorité de musulmans.

Le néo populisme politique : un virus européen

La force absurde du préjugé, la peur irraisonnée de l’Islam ont envahi l’Europe. Alors que les musulmans dans leur écrasante majorité mènent une vie parfaitement respectueuse du droit. Ils font l’objet d’enjeux politiciens dont ils sont les acteurs et les victimes. Certains partis politiques en Europe ont fait de la peur du musulman et de l’Islam leur fond de commerce.

Plusieurs mouvements politiques national populistes ont parsemé l’histoire politique de l’Europe de l’après guerre. Le Front National de Jean Marie Le Pen en France dans le début des années 1980, Geert Wilders aux Pays Bas, la Ligue du Nord en Italie, le parti du peuple danois, le parti du progrès en Norvège, l’UDC en Suisse et enfin l’UMP de Nicolas Sarkozy qui s’y essaie avec le débat sur l’identité nationale, ont tous cultivé la xénophobie et la haine, confondant volontairement les immigrés étrangers, leurs concitoyens d’origine étrangère, les musulmans et l’Islam pour gonfler leur électorat.

La méconnaissance de l’Islam et l’ignorance culturelle des populations européennes ont permis un large champ d’action aux populistes et aux politiciens. Ces derniers jouent sur un sentiment de peur au sein des populations, sur la menace de tout ce qui est étranger au pays : homme, culture, religion. Ils associent volontairement, habits traditionnels et Islam, habitudes culinaires et Islam, us et coutumes populaires et Islam, culture d’origine et Islam, travailleur étranger et Islam afin de mieux stigmatiser le musulman et par conséquent de créer un sentiment de rejet des uns pour les autres. Une grande majorité des médias, hostiles à l’Islam pour les raisons que vous connaissez, a apporté diplomatiquement sa contribution en ostracisant les musulmans en Europe.

L’Islamophobie : un crime contre l’humanité

Le racisme se définit comme étant une « attitude d’hostilité systématique et permanente à l’égard d’une communauté ou d’un groupe déterminée de personnes ». Le racisme et la xénophobie à l’égard des musulmans trouvent aujourd’hui leur nom : Islamophobie. Les lois dans les sociétés européennes ne punissent pas les manifestations islamophobes à l’instar de ce qui se passe pour d’autres religions minoritaires. C’est ce qui permet à certains intellectuels et éditorialistes en mal de reconnaissance de s’affirmer raciste à l’égard des musulmans sans crainte de poursuites judiciaires. La liberté d’expression est totale dés lors qu’il s’agit d’Islam et de musulmans mais est encadrée juridiquement par ailleurs. Les partis politiques d’extrême droites en profitent pour lancer des slogans provocateurs et des affiches scandaleuses comme celles qui représentaient le prophète Mohamed avec des bombes ou celles encore représentant le drapeau Suisse transpercé de minarets en forme de missiles. Il est inutile de rappeler aux instigateurs de ces affiches que les bombes et les missiles sont de conception et de fabrication occidentales et européennes.

Cas particulier de la Suisse

Les mosquées sont un édifice culturel et religieux, composé de salle(s) de prière, de coupole(s), de plusieurs salles d’étude et d’un minaret. En l’absence de minaret, cet édifice s’appelle « salle de prière ». Il y a quatre mosquées actuellement en Suisse, à Genève, Zurich, Wangen prés d’Olten et Winterthur et de nombreuses salles de prière. La Suisse vient d’interdire la construction de nouvelles mosquées par un vote démocratique, à l’initiative d’un parti d’extrême droite, l’UDC. En interdisant les minarets, les Suisses ne savaient même pas qu’ils interdisaient la construction de nouvelles mosquées, probablement par méconnaissance de l’Islam. Alors que les musulmans vivants en Suisse (350 000 environ soit 4,25 % en 2000, majoritairement originaires des balkans à 60 % et de Turquie à 20 %) mènent, aux dires de tous, une vie parfaitement respectueuse du droit, la Confédération a adopté contre eux une mesure ostensiblement discriminatoire. L’interdiction de construire des mosquées a terni brutalement l’image d’un pays pourtant accoutumé à la coexistence pacifique des religions et où les musulmans se sentaient le mieux en Europe. L’absurdité du préjugé s’est vérifiée d’autant plus que ce sont les cantons où il y a le moins de musulmans qui ont le plus approuvé la mesure antimusulmane réclamée par la droite extrême. Ce phénomène a été étudié par Jean-Yves Camus, chercheur à l’Iris, à propos du FN en Alsace qui cartonnait dans les villages où il n’y avait aucun immigré. L’activisme intégriste, très minoritaire, sert de prétexte dans l’ensemble des pays européens pour traiter les musulmans de paria. Il n’existe sur ce point qu’une seule stratégie possible : favoriser sur des bases démocratiques dans le respect des droits de l’homme, l’émergence d’un Islam européens, pour et par les européens eux-mêmes, fidèle à sa foi et à sa vocation de religion de tolérance et de paix. La Suisse vient de tourner le dos, bêtement, à cet Islam là.